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DRH, à la recherche du temps perdu ?

 

Un grand nombre de start-up proposent aujourd’hui des outils numériques saupoudrés d’IA pour rendre, disent-ils, les recruteurs et les DRH plus performants et plus fiables dans leurs décisions. Je précise que je n’ai rien à dire sur le sérieux des développements de ces organisations, mais que je cherche à savoir si ces produits sont en cohérence avec la mission que nous attribuons à la fonction RH, dans ses spécialités comme dans sa globalité, et pour quelques-uns, j’ai des doutes. D’autant plus de doutes lorsque l’argumentaire principal réside dans le gain de temps. Nous sommes quelques-uns à nous en offusquer. Le « recrutement » n’est pas une technique uniforme. C’est une méthodologie situationnelle, où parfois, j’en suis persuadé, il faut même passer plus de temps que nous le faisons.

Prenons un exemple concret : Je (DRH) vais recruter un Responsable Financier, en charge de la trésorerie. Rémunération possible entre 95 et 120k€. Je vais commencer par avoir une longue discussion avec son patron, le DAF, mais aussi avec le DG pour appréhender le poids « stratégique » de la trésorerie en fonction des orientations à moyen terme.  

Je vous fais grâce du sourcing, je vais peut-être missionner Compagnon de cordée ou encore un « chasseur » pour me proposer quelques candidatures. Le cahier des charges sera clair, laissant quand même place à la gestion d’opportunités…

Puis je vais recevoir les trois ou quatre candidats présélectionnés. Une fois, deux fois peut être, puis une troisième pour les 2 finalistes en compagnie du DAF. Nous nous entourerons de garanties et de références, nous négocierons les salaires et avantages divers, puis nous donnerons notre accord à l’un des candidats que nous inviterons, dernier round, à déjeuner. Au total, investissement global (entre les honoraires du prestataire, les frais divers et déplacements, les salaires du DRH et du DAF pendant les heures d’entretiens, les activités des assistantes et du juriste pour la rédaction des termes du contrat… : à la louche : 70 000 € 

Maintenant, je vais reprendre à zéro. Je vais faire appel à une société de prestation en vidéo recrutement différé. On me dit que je vais économiser 50% du temps de la présélection, à condition que je la fasse moi-même bien entendu. Or, ce n’est pas le cas. Et puis même, le problème n’est pas là…

Là, je reprends à zéro : le financier que j’ai recruté, je compte bien l’avoir fait pour au minimum 5 ans. A moi de m’assurer que la marque employeur que je lui ai vendue corresponde bien à la réalité. Donc 5 ans à 100 000 € en moyenne, plus les charges, la voiture, le téléphone et frais divers :  900 000€. Et j’ai dépensé 0,08% de cette somme pour tenter de fiabiliser l’investissement. Très franchement, j’aurais à réaliser une acquisition de « machine » pour un même montant, ne vais-je pas prendre plus de précautions ? Ne vais-je pas y passer plus de temps ? Et je vous affirme que je vais en plus, m’assurer de la qualité de la maintenance. Et là ?

Alors qu’on ne me parle pas de temps à économiser en recrutement. On donne dans le dérisoire. Optimiser des recrutements collectifs peut-être, et encore, a-t-on cherché à valoriser les coûts des turn-over ? Les actifs incorporels engagés par mes recrutements ne souffrent pas des économies de bout de chandelles… Dans la hiérarchisation des enjeux ne nous laissons pas prendre par les miroirs aux alouettes. De belles applications peuvent être de bonnes réponses apportées à de mauvaises questions. Evitons donc de les poser en ce sens.

De cette anecdote, je voudrais reparler du rapport au temps du DRH. Que l’on soit amené à gagner du temps sur de la logistique administrative, j’abonde. Que l’on soit dans la précipitation permanente et nous devenons, souvent malgré nous, un danger pour l’entreprise. Les jugements que l’on porte sur nous reposent sur des visions tronquées de la fonction (c’est rapide de recevoir un candidat, c’est rapide d’aller négocier avec le DS, c’est rapide de trouver une solution de prévoyance adaptée, c’est rapide de sortir des paies justes (l’ordinateur le fait tout seul…), c’est rapide de monter un dossier prud’homme, c’est rapide de…) Et de fait, nous donnons suite, nous sommes performants quoi ! Mais quels sont les risques, quelle est la qualité de ma prestation, quelle est le ratio entre le temps que j’y passe et l’enjeu ? En fait, suis-je capable de « vendre » non pas mon temps, mais mes missions dans ce qu’elles ont de conséquences positives sur les actifs immatériels de l’entreprise, de vendre MA VALEUR et non les subterfuges organisationnels de mon emploi du temps ?  Le temps qui passe ne se rattrape guère, et même si le temps perdu ne se rattrape plus, l’avarice du temps peut être un péché capital pour un RH…

 

 

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