
Devoir de vacances en économie…
Comment allier enfin économie d’entreprise et RH ? Bien entendu on peut se gargariser de mots (qui dénotent une bonne intention quand même) comme : l’entreprise c’est des hommes plus des hommes plus des hommes…ou encore : le capital de l’entreprise n’est rien sans le capital humain… ou bien en insistant sur le rôle essentiel d’une DRH qui sait recruter, fidéliser, entretenir un climat social sain, et œuvrer pour une QVT exemplaire… Tout cela est certainement vrai et louable… mais à mon avis pas suffisant.
L’entreprise se doit d’être équipée pour réussir ses objectifs stratégiques, certes. Elle se doit aussi de consolider ses résultats pour anticiper sur ses besoins et accroitre son potentiel d’investissement. Et c’est là que les choses se compliquent…
Quels investissements ? Des machines, des outils de productions, des systèmes informatiques, des applications, de la recherche et développement, des acquisitions, quoiqu’il en soit : des dépenses immédiates destinées à enrichir à long terme celui qui les engage. En comptabilité, c’est une dépense amortissable qui augmente le patrimoine de l’entreprise (rentre dans les « actifs », qu’ils soient corporels ou incorporels ou encore financiers)
Revenons à notre question de départ : quels sont les exemples d’investissements gérés par la RH qui permettent d’enrichir l’entreprise ?
Bien entendu, la formation : quelques contraintes, néanmoins :
- Que cette formation participe à la réalisation à terme des objectifs stratégiques de l’entreprise (ce qui ne contredit pas l’évolution individuelle du salarié), et que les sommes investies dans cette formation puissent être utilisées et amorties sur une période suffisante. Le turnover est dans ce cas le meilleur ennemi de cet investissement. On peut imaginer, pour des formations longues ou onéreuses un retour en force des obligations contractuelles (dédits) mais aussi d’une approche de type deal avec les intéressés qui permettent d’engager un « parcours » avec des étapes d’évolutions salariales ou de promotions. Ces contreparties rentrant dans le calcul du ROI (retour sur investissement)
- Que la quantification de cet investissement se double d’une évaluation quantifiée, elle aussi, des résultats à terme. Le ROI devient alors une « obligation » pour le RH, et là un effort gigantesque est à réaliser pour la fonction RH.
En admettant que ces deux contraintes soient levées, qu’est ce qui empêche comptablement, d’inscrire la formation (ou une partie de la formation) en investissement amortissable.
Cette approche financière et comptable n’est pas innocente : elle présente à mon avis trois avantages :
- Le premier est d’inciter l’entreprise à ne pas mépriser l’apport le l’humain dans le développement économique de l’entreprise. Je suis certain qu’une mesure de cette nature doperait l’engagement financier des entreprises dans la formation (y compris pourquoi pas dans la formation d’apprentis si un contrat suit)
- Le deuxième avantage est la valorisation de l’actif : l’entreprise vaut plus cher sur le marché.
- Et cerise sur le gâteau, en intégrant la formation professionnelle dans les investissements, on augmente le PIB de la France…
Alors qu’à chaque réforme de la formation, on tourne autour de cette question, elle n’est jamais abordée comme prioritaire. Une discussion avec Laurent Berger (CFDT) il y a quelques mois lui faisait s’étonner que même le Medef ne le demande pas… Et il me souvient d’un tour de table d’un colloque que j’animais en 2014 avec les signataires de l’ANI, où à la question « êtes vous favorables à la capacité d’inscrire la formation en investissement comptable » l’ensemble des acteurs avait répondu OUI…y compris les non-signataires (CGT et CGPME)
Alors où est ce blocage qui fait, qu’une fois encore la Ministre du Travail n’a pas ouvert la porte à ce principe qui changerait la donne ? Bercy ? Quelques « hauts fonctionnaires » qui restent bloqués sur l’idée qu’il faille changer les normes comptables internationales (ce qui est faux) ou d’autres encore ? A vrai dire, j’oscille entre espoir et découragement depuis le temps où je milite pour cette option avec l’assentiments de la majorité des interlocuteurs (DRH, Experts Comptables, Commissaires aux comptes, syndicats, experts…) mais sans qu’aucun d’entre eux n’en fasse son cheval de bataille. Je crois que si les « politiques » ne s’en emparent pas (le PIB pourrait-être une motivation) mais aussi peut être la presse économique… rien ne bougera. Lorsqu’un expert-comptable me racontait l’autre jour, qu’il trouvait des « astuces » pour faire entrer les heures stagiaires dans l’investissement d’un logiciel de langues… c’est un peu « fort de café » non ? Lorsque la formation coûteuse à la conduite d’une ligne de production de papier est « noyée » dans le coût de l’acquisition du matériel, ne doit-on pas stopper cette approche artisanale pour construire une véritable procédure d’avenir ?
Enfin on peut parfaitement imaginer que les formations déployées par l'entreprise, et qui ne seraient pas liées à la stratégie, mais au développement individuels et personnalisés des salariés puissent être, non pas inscrits aux investissements comptables, mais dans les documents extra comptables, comme la RSE. N'oublions pas que depuis la nouvelle réglementation européenne, cette dernière doit être aussi financièrement quantifiée.
Ce « devoir » de vacances serait bien inspiré de devenir un « devoir » d’action pour la rentrée. Pour cela, rien de mieux que votre propension à diffuser largement votre soutien sur les réseaux sociaux puisque « politiques et journalistes » y prennent souvent le poul de l’opinion.