Nouveau billet d’humeur : "mais vous faites quoi les DRH ?"
Je viens de terminer la lecture de l’enquête Cegos (que vous trouverez sur le lien plus bas) et j’en suis encore tout fébrile. Comment est-ce possible ? Comment peut-on laisser passer une situation qui, si on ne change rien, annonce simplement le suicide collectif de la fonction ?
Je m’explique (étant entendu que je pars du principe que l’enquête est sérieuse et dépouillée dans les règles) :
- Les DRH plébiscitent leur rôle « administratif ». Ben voyons, seraient-ils payés pour assurer ce qui demain sera forcément automatisé, vous voyez poindre le piège ?
- Les DRH se sentent bloqués par la résistance des partenaires sociaux. Tiens c’est nouveau ça (lol) mais que fait-on pour établir de nouveaux modes relationnels ?
- Les DRH baissent de plus de 5 points dans le poids du rôle stratégique. Plus que 22,4% qui estiment qu’ils en ont ! On se demande bien pourquoi !
- Les DRH (46%) manquent d’informations sur la stratégie de l’entreprise. Mais ils en font quoi ? Et comment ces 46% peuvent-ils réaliser correctement leur travail en particulier d’anticipation ?
- Il est vrai que 46% avouent trahir parfois leur éthique et leurs valeurs
- Un chouia de plus que la moitié des salariés ont une confiance dans leur fonction RH… On peut être fier… Le facteur humain ne serait pas suffisamment pris en compte. Pour ceux qui veulent changer la signification du R, c’est peut-être celle du H qu’il faut changer. Manque d’ouverture et manque de proximité… c’est ce qu’ils disent.
- 43% plébiscitent un RH de proximité (et il ne suffit pas de dire « ma porte est toujours ouverte » mais c’est à nous de nous bouger… et puis réfléchissons à deux fois avant d’externaliser !)
- Ce qui est le plus attendu par les DRH, la capacité à négocier… par les salariés : le respect des engagements… ouille !
- Dans 5 ans, la fonction sera pour plus de 50%, virtualisée voire ubérisée… que fait-on de ceux qui demandent de la proximité ? Mais il est clair que si l’on mise tout sur l’administratif, les statistiques sont-elles pertinentes !
NON, ce n’est pas du RH Bashing, j’aime trop la fonction pour me le permettre. En revanche, les voyants sont au rouge.
POUR LES DRH…
- L’administratif n’est certainement pas à abandonner, car contrairement à ce qui est dit, il alimente le cœur de métier, surtout avec la numérisation. Numériser et rendre cohérent. Dans un précédent numéro de la revue Personnel, pour un dossier spécial « paie », un patron de la paie d’une grande entreprise de l’aéronautique disait qu’il ne fallait pas externaliser ce service mais le fondre au comp&ben pour en faire un grand service « rémunération » qui retrouverait sa valeur ajoutée et son rôle stratégique par sa prédictivité.
- La transparence et les valeurs morales doivent se retrouver y compris dans les relations sociales. Arrêtons avec l’idéologie et soyons assurés que c’est à nous de faire le premier pas.
- La proximité est elle-même ambidextre : l’anticipation d’un côté, je sais être assertif et transparent et mettre en place les « accompagnements » du changement y compris en « expérimentant ». Mais c’est aussi se préoccuper de ceux qui en ont le plus besoin. C’est certainement agréable et motivant de suivre les hauts potentiels, mais que faisons-nous pour rendre les autres autonomes et responsables autrement que par des injonctions ?
- Avec nos DG ou actionnaires sommes-nous capables de quantifier et de valoriser notre capital humain pour prouver notre efficacité en dehors des PSE ?
- Sommes-nous convaincus que nous sommes dans le business et non à son service ?
- Acceptons-nous de regarder comme des modes ou des pièges toutes ces « psycho-niaiseries » qui sont autant de perte de crédibilité pour nous et de risques pour les collaborateurs…
- Sommes-nous capables de nous former en participant à des réunions professionnelles tout en étant capables de dire que c’est une priorité dans notre agenda.
- Sommes-nous capables de pousser nos organisations professionnelles à avoir de la lucidité dans les diffusions d’informations et de la force dans les relations au politique et au patronat. Mais capables aussi de faire passer des messages forts et de jouer un début de coconstruction avec les OS.
POUR LES FORMATEURS DE NOS FUTURS RH…
- Que l’on soit université ou grande école, du niveau licence Pro au Master 2, nos futurs spécialistes doivent être sérieusement recrutés sans ambigüité. Ce n’est pas un cycle de formation d’assistantes sociales, ce n’est pas non plus un choix par défaut. Trop souvent entendu sur des niveaux licences : j’étais dans une filière commerciale, mais je ne suis pas fait pour la vente !
- Doter les étudiants d’une connaissance de la réflexion stratégique
- EN MEME TEMPS, favoriser le développement de l’empathie et de l'écoute
- Apprendre à compter (bilan, compte de résultats, actifs matériels et immatériels…)
- Apprendre l’esprit critique et la prise de recul
- Multiplier les occasions de développement des compétences « softs »
- Apprendre à négocier tout en respectant l’autre
- Les former à être le garant éthique de l’utilisation du big data, donc comprendre quelque chose aux enjeux de la numérisation
- Renforcer la prise en compte de la formation comme un investissement
- Etudier la QVT, la RSE, sans pour autant aller chercher le bonheur au travail
- Apprendre qu’il existe des ressources et des idées à l’extérieur de l’entreprise
- Et ainsi de suite
Alors si nous sommes convaincus que la solution se trouve dans l’externalisation, dans la délégation à outrance de la fonction sur les managers de proximité (les pauvres, on leur demande déjà d’être les premiers formateurs, les premiers qualiticiens, les premiers logisticiens et en plus ils doivent animer leurs équipes en appliquant des consignes auxquelles ils n’adhèrent pas toujours…) ; si on se satisfait d’être nombreux à agir à l’encontre de nos valeurs, si nous pouvons croiser un maximum de collaborateurs sans pouvoir mettre un nom sur leur visage, si nous ne sommes pas doués pour l’anticipation et la transparence… alors oui, il est temps de changer de métier, car il ne résistera pas à l’assaut des mutations. Mais en cas contraire, il y a tellement de belles choses à faire que nous ne pouvons être que motivés, non ?