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J'ai assisté hier aux rencontres du dialogue social de Suresnes. Et je m'en réjouissais au point d'imaginer en faire un article pour le prochain MagRh, à placer aux côtés de la Rubrique "la boite à Négo" de notre ami Landier. Et puis j'ai pris conscience de deux éléments : le premier était que la concordance des temps n'était pas au rendez-vous. Le prochain numéro est en janvier, et ça aurait eu des odeurs de réchauffé. Le second, plus embêtant, est que, cette fois, alors que j'étais un inconditionnel, certaines choses m'ont déçu, d'autres irritées... alors je préfère que ça reste entre nous !

Pour les nouveaux venus dans le monde RH, les journées de Suresnes sont le "Davos" du dialogue social. Et Suresnes est légitime de les organiser. Béatrice de Lavalette, maire adjoint en charge des RH, a réussi à établir en accord avec son Maire, un climat social très particulier puisqu'elle a été la première ville en France considérer le dialogue social comme moyen essentiel de parvenir à apporter le plus de satisfaction aux agents (on s'en serait douté) mais aussi aux habitants. Avec des mots d'entreprise : le dialogue social est devenu le moyen de renforcer la productivité et la performance de la ville, tout en assurant le bien être de ses salariés.

Et on en signe des accords à Suresnes, avec les signatures de l'ensemble des syndicats. On signe des accords sur le salaire "au mérite", sur le sport et la culture sur le temps de travail, sur la formation, sur l'accueil des animaux domestiques sur le lieu de travail, sur l'ouverture de la médiathèque le dimanche, sur le chèque syndical, et on envoie les délégués syndicaux en formation (management, économie, négociation...) à Sciences Pô, à l'ESSEC, à HEC, à Dauphine... Pas étonnant que Suresnes soit la seule représentante de la fonction publique française au sein du Global Deal aux côtés des grandes entreprises du Cac 40... 

Donc dès potron minet, j'étais à l'ouverture et la première étape agréable était de rencontrer les habitués, ceux qui, comme moi sont là depuis la première édition. Des DRH et des ex-drh, des syndicalistes et des ex... non, syndicaliste un jour, syndicaliste toujours, pas d'ex... mais plein d'amis, y compris ceux qui m'embrassent et que je ne reconnais pas... 

La salle se remplit et la journée selon un rite immuable commence par la présentation du programme, mais aussi par l'historique de l'événement par Béatrice de Lavalette; Cette première partie est un vrai rituel, un peu long à mon goût mais peut être utile pour les nouveaux. Puis c'est au tour du Maire, Guillaume Boudy, et pour confirmer les propos élogieux sur cet environnement d'exception, c'est au tour du délégué CGT, Xavier Casse qui se fait un franc succès en commençant par "je voudrais remercier mon employeur" "ça doit vous faire drôle d'entendre un CGT remercier son employeur, non ?" On est dans l'ambiance.

Puis on attend un ministre qui ne vient pas, mais il a envoyé une vidéo où il s'excuse et nous souhaite une belle journée? C'est le Ministre de l'éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Il propose se revoir notre conception de la formation et de l'apprentissage par des liens renforcés entreprise/EN... et que ce soit aussi dans les possibilités d'intervention des négociations sociales. Bref, l'éducation et le professionnalisme, l'affaire de tous.

Le thème de la journée se focalise sur la performance économique grâce au dialogue social. Et des chiffres sont annoncés : eux de Davos ; la France est 17e sur 137 en compétitivité et 99e en qualité des relations sociales, alors que les Pays Bas sont 4e en compétitivité et 5e en social, l'Allemagne 5e et 2e, la Suède 7e et 8e, le Danemark 12e et 4e ... bref on est pas bon ! C'est pour cela que la parole est donnée aux représentants d'Allemagne, de Suède, de Finlande et du Danemark. Et ils nous expliquent que chez eux les syndicats sont forts (parfois plus de 60% de syndiqués, alors qu'on est de dessous des 10% en France), que l'état n'intervient que peu ou pas dans les négociations entre les partenaires sociaux, que les négociations d'entreprises et de branches sont préférées aux négociations nationales, que les syndicats ont une réelle activité de services pour les salariés (mutuelles, retraites...) Pratiquement pas de grèves et une recherche du compromis permanent.  Situation rêvée ? D'un autre côté facilité de licenciement (mais pour la Suède, une couverture chômage forte) , pas de salaire minimum, une autre culture... 

 

 

Le délégué Danois

Le délégué Danois

Après cette vision européenne de l'adéquation performance économique et dialogue social (mais sont-ce des corrélations ou des causalités) c'est une autre Ministre, bien présente celle là qui monte sur la scène.

Elisabeth Moreno, Ministre en charge de l'égalité Femme/Homme et qui commence par préciser qu'elle vient de l'entreprise, en ajoutant "dans les domaines du bâtiment et des high-techs, deux mondes bien connus pour être féministes" Une femme punchy, qui vous prend à parti en vous demandant de vous tourner vers votre voisine et imaginer qu'à poste égal, elle gagne certainement plus de 15% de moins que vous en rémunération. Pour résumer, les syndicats et le patronat doivent s'entendre pour arrêter ces pratiques discriminantes et qu'on n'en parle plus ! Il faut dire que tous les pays de nord quelques instants avant saluaient l'évolution de la France dans ce domaine, précisant qu'ils n'en n'étaient pas encore là.

Bref une femme qui semble compétente, motivée. Je ne la connaissais pas, un bon point !

 

 

 

Puis c'est la seconde table ronde de la matinée.

Animée avec l'accent du sud, et avec brio par un crack du droit social, un des "papes" de la spécialité (je ne dis pas le pape pour ne pas me fâcher avec les autres !) Paul-Henri Antonmattei. Le casting : Agnès Bekourian, DRH Carrefour, Franck Morel l'ex conseiller social de Matignon, Gilles Noguerol DRS de TotalEnergies, Sybille Quéré-Becker DRS d'AXA venu avec son délégué CFE-CGC et Jean-Christophe Sciberras, patron du GlobalDeal en France. 

Pour moi, un moment de fierté : Franck Morel, Jean Christophe Sciberras sont des contributeurs du MagRH (on sait donc choisir nos alliés)  et le Professeur Antonmattei me confirme qu'il va contribuer au futur dossier du Mag sur l'hégémonie juridique dans les relations sociales et humaines. On est bon, quand même...

Quant au fond, il peut se résumer en ces quelques mots : face aux changements, aux révolutions technologiques et environnementales qui s'annoncent, rien ne pourra se faire sans le dialogue social. Qui aurait pu imaginer il y a quelques mois encore que les pays d'Europe interdiraient les moteurs thermiques. Du coup Total doit se restructurer entièrement. Et si nous ne voulons pas entrer dans une société en tension permanente, la négociation sociale vous dis-je. En revanche, je trouve ridicule, Madame la DRS d'AXA de venir avec un syndicaliste sans qu'il soit traité comme les autres membres des participants. Vous êtres toutes et tous passés au pupitre avant de vous assoir, pas lui, vous avez eu droit aux présentations, pas lui, et vous avez eu le temps de vous exprimer, pas lui. Je n'ai d'ailleurs pas retenu le nom de ce monsieur... Désolé, mais ça faisait trop "alibi" pour ne pas dire "chien-chien."..

Le maitre mot de cette table : l'écoute. Et c'est à mettre en œuvre de suite si on ne veut pas voir les gilets jaunes entrer dans les entreprises.

 

 

La table du professeur Antonmattei

La table du professeur Antonmattei

 

 Puis c'est l'heure du déjeuner, toujours exceptionnel, bravo les cuisiniers de la mairie, où je peux enfin discuter avec mes amis. Mais que c'est drôle, il se trouve que je suis entouré par plus de CFDT que de DRH... un hasard sans doute. Néanmoins que ça fait plaisir toutes ces félicitations pour le dernier numéro du Mag...

Et la seconde partie de la journée s'ouvre avec le décryptage de l'actualité sociale de l'année par Carole Couvert (past présidente de la CFE-CGC), que j'ai trouvé en petite forme, et Bernard Cohen-Hadad, Président de la CPME Ile de France. Du déjà vu pour celles et ceux qui s'intéressent à la chose sociale. Et puis arrive le moment que je redoutais. L'intervention d'Agnès Verdier-Molinié, directrice de ce "machin" qu'est l'IFRAP... une officine en charge de recherche sur les cures d'amaigrissement de la fonction publique.  Pas de chercheurs dans cette structure mais des lobbyistes.                                                                                                                                                                                                                   Mais quelle mouche a piqué les organisateurs d'inviter une personne, absolument non légitime à parler de dialogue social et du pur jus extrême droite. Zemmour n'était pas libre ?  Heureusement qu'en face, ils avaient postés Laurent Escure, le Secrétaire Général de l'UNSA. Et le dialogue effectivement tourne vite, non au dialogue social mais au dialogue de sourd. Le "modèle social" français n'ayant aucun intérêt pour la dame, oubliant simplement qu'il avait sauvé la France de bien des déboires. Spécialiste des fake-news, elle déclare que les travailleurs français sont ceux qui travaillent le moins,(en Europe, dans le monde ? je n'ai pas retenu !)  et qu'il est temps d'augmenter le temps de travail... son slogan pourrait-être travailler plus pour gagner moins.

Après cette demi-heure de supplice, la salle doit voter sur les résultats de ce duel : près de 70% favorable à l'UNSA et zut de zut quand même près de 30% pour cette ultra libérale. Espérons qu'il n'y ait aucune vision prospective des futures présidentielles... 

 

Agnes Verdier-Molinié et Lys Zohin Entreprise et Carrière

 

Je passe rapidement sur la prestation de Madame Annelor Coury, Conseillère social du Président Macron. D'accord pour avoir connu Raymond Soubie et Michel Yahiel, je ne suis pas objectif. Elle disait peut-être des choses intelligentes mais dans une posture qui ne révélait aucune passion, aucune conviction... bref, très ennuyeux. Mais bon, joker, elle remplaçait au pied levé Pierre André Imbert, au secrétariat général de l'Elysée...

Annelor Coury

 

Dernière table ronde : animée par Benjamin d'Alguerre, responsable éditorial de Liaisons Sociales, (vous voyez, je suis capable de faire de la pub pour mes concurrents...) qui réunit Laurent Bigorgne, Directeur de l'Institut Montaigne, Bernard Cohen-Hadad déjà cité, idem pour Laurent Escure, Audrey Richard, la DRH de Up et Présidente de l'Andrh, et Bernard Vivier, directeur de l'IST et grand spécialiste des relations sociales.

La crise sanitaire semble avoir appris à travailler différemment et il faut capitaliser sur ces nouvelles pratiques. Audrey Richard annonce que les DRH sont partant pour ça et veulent mettre tout en œuvre pour accompagner et favoriser ces négociations.

Audrey Richard

Mais les DRH sont peut-être les interlocuteurs naturels des syndicats en entreprises, mais ont-ils les pouvoirs de négociation ? et au national, sont-ils présents dans les accords  ? 

Nous sommes dans un pays, contrairement à la Scandinavie, où l'état est encore tout puissant. Les ANI, c'est bien, mais qui donne la feuille de route ? La transformation en loi est autre chose...et qui a la main sur les décrets ? 

Après cette table, néanmoins digne d'intérêt, je dois partit et ne pourrait pas entendre la conclusion d'un homme que je respecte Gilles de Robien. J'avais fait en son temps son portrait dans la revue Personnel, et je me souviens qu'il avait interdit qu'on change un seul mot de ma prose. Une rareté dans le monde politique.

Bref... une journée qui ne valait pas les précédentes. Un essoufflement peut-être, un renouvellement nécessaire de la formule, sans doute, mais malgré tout une bouffée d'espoir qui repose sur la capacité, lorsque les gens sont de bonnes volontés et acceptent de mettre les postures au vestiaire, d'aboutir à faire avancer les choses au bénéfice de tous. Donc, quoique j'en dise, longue vie aux rencontres de Suresnes.

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