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Plaidoyer pour un management de tradition…

 

Dans l’environnement équestre, l’attelage a toujours été une discipline qui a attiré mon attention. D’abord pour les chevaux :  je préfère en effet, les « lourds » aux fluets musclés des courses, mais aussi pour les « voitures » qui font revivre ainsi l’histoire de France à travers des moyens de locomotions souvent véritables pièces de musée. Différent de l’attelage sportif de compétition, l’attelage de tradition a ses règles et ses usages, qui mélangent les coutumes paysannes et les visions aristocratiques. A la tête de l’attelage, un meneur ou une meneuse, dont le doigté et la voix font la différence. La brute épaisse n’est jamais récompensée, l’hésitant non plus d’ailleurs. Les concours se font toujours dans des décors de rêves, et si l’habileté (maniabilité) est un exercice discriminant, il en va de même pour la qualité de la voiture et sa propreté mais aussi pour le respect congruant des harnachements et accessoires. Tout est pris en compte, pas que le « premier arrivé » …

 

Alors, pour moi qu’est-ce un « management de tradition » (et non de transition, comme certain ont dû le lire… trop vite)

Dans un article récent relayé par twitter, notre ami Vincent Berthelot vilipendait ces modes managériales qui n’apportent rien de nouveau, seulement un peu de complexité supplémentaire dans la tête des managers qui veulent bien faire. Ces injonctions à la recherche du bonheur, à la bienveillance, au traitement différencié des générations, ne sont le plus souvent que de la nourriture pour « consultant » en mal de facturation. Mais sur le terrain, elles ne règlent aucun des problèmes que vivent au jour le jour, les milliers d’Agents de Maîtrise, de Chefs d’équipes, de Cadres de premier niveau. Eux, ils doivent se « débrouiller » pour conduire un attelage qui ne souffre aucune erreur. Un peu trop à droite et c’est le fossé, une pression involontaire sur les « guides » et c’est un arrêt intempestif, un peu trop à gauche et on roule sur les pieds d’un spectateur insouciant…

Ces managers n’ont souvent pas été formé, quoi de plus naturel en effet que d’encadrer leurs anciens collègues, ou de superviser des techniciens qui, maintenant, en savent plus qu’eux sur leur technique… Et puis eux-mêmes sont encadrés par des N++ qui, loin du terrain, attendent les résultats quantifiés et non des remontées sur des états d’âme. Et, je vous l’assure, la pression est alors aussi intense que lors d’un concours dans le parc d’un château.

Une seule solution, la tradition vous dis-je :

Exemplarité : je m’impose à moi-même les règles que j’exige de la part des autres. Je suis légitime à faire une remarque sur la ponctualité que si je n’ai aucune critique à recevoir sur ce sujet. Être capable de faire remarquer qu’arriver à l’heure (dans le cadre des accords tacites ou non) est une forme de respect et de politesse pour les autres n’est pas superflu. Lorsque j’ai signé mon contrat de travail, j’ai aussi signé pour les règles du jeu. Moi, encadrant, je suis le garant de ces règles du jeu. Je peux les « moderniser » ou au moins plaider pour, mais moi aussi je me dois de respecter ces règles.

Tant que le lien de subordination ne sera pas aboli, la performance de l’entreprise passe par l’acceptation de cette valeur de respect qui n’est désuète que si elle n’est pas partagée par toutes et tous.

 

Equité : Ce n’est pas un synonyme de l’égalité. Je suis capable de récompenser ceux qui le méritent et pénaliser ceux qui ne jouent pas le jeu. « Vieux jeu » ce principe ? Alors comment motiver ceux qui font des efforts ? Un exemple vaut mieux qu’un discours : deux collaborateurs arrivent en retard de plus d’une demi-heure. Même faute, même sanction ? ça c’est l’égalité. Mais l’un des deux est coutumier du fait, l’autre pas. Suis-je capable de dire au premier que sa demi-heure sera décomptée, et prenant les devants de sa remarque, que je ne sanctionnerai pas le second ? Tout comme je suis capable d’un mot de féliciter un cheval de « paire » pour avoir rattrapé une erreur de son voisin.

 

Congruence :  Je ne change pas d’avis toutes les cinq minutes. Je suis capable de cohérence entre mes propos et mes actes, entre mes orientations et mes pratiques. Mes chevaux sont habitués à mon style, à ma pratique. Si j’en change, je ne suis plus moi, et ils vont mettre un certain temps à comprendre mes consignes. Sans vouloir comparer mes collaborateurs à des chevaux, nous ne gagnons rien à faire perdre de la visibilité à notre environnement. Faire vivre les gens dans des situations non sécurisées, changeantes en permanence, ne génère que du stress bien inutile.

 

Assertivité :  Je sais dire les choses, telles qu’elles sont, y compris les choses désagréables, pas faciles à entendre, MAIS : sans nuire à la relation. Un meneur qui hurle ou démontre son pouvoir par l’usage immodéré du fouet n’a pas grand-chose à voir avec les principes de l’attelage de tradition. Dans une entreprise, les collaborateurs ont besoin de savoir ce que vous pensez d’eux. Vous n’avez pas à vous sentir honteux de faire des remarques, mais en prenant en compte que, demain, il nous faudra encore vivre ensemble. Si je coupe la relation, comment faire ? Donc s’en prendre au fait et non à la personne, ne jamais humilier, ou faire preuve d’absence de respect y compris dans la critique. Cela ne signifie en rien que le fameux « directif » est banni. En observant un collaborateur dont le comportement peut engager sa sécurité ou celle des autres, on n’attend pas de vous une attitude psychanalyste, et un « arrête tes conneries immédiatement » sera certainement plus profitable, même s’il faut y revenir pour ensuite expliquer cet … écart de langage.

 

Empathie : se mettre à la place de l’autre pour savoir ce qu’il ressent. Un « meneur » qui connaît ses chevaux sait qu’untel réagit à une ombre furtive sur le chemin et tel autre supporte mal le passage d’un vélo à proximité. Le manager dans sa pratique quotidienne, intègre les mécanismes de représentation mentale de « tout humain » mais aussi de l’individu en particulier. Tout le monde ne réagit pas d’une façon uniforme. Le vécu de chacun l’a façonné, et chaque représentation est porteuse d’une émotion qui elle-même fournira un comportement. A moi d’en comprendre les contours. L’empathie n’est pas synonyme d’excuses… simplement de compréhension, ce qui me permettra de prendre des décisions éclairées.  Là encore, rien de nouveau.

 

La tradition n’est pas un retour en arrière. Elle est l’application dans le présent de ce qui fonctionne, sans s’assujettir à des modes. Un manager qui est capable de développer ces qualités ne peut pas être un mauvais manager. Même s’il commet une erreur, on lui pardonnera. Un peu comme les chevaux sont capables de corriger une erreur du « meneur » s’il a réussi à construire (voire coconstruire) la confiance nécessaire.

 

 

 

 

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